Se rendre au contenu

La Chamade

Théorie de la classe relative


Jean-Bertrand Czerwony, c’était mon ami depuis des années. Un prénom étrange pour une raison remarquable. Ses parents, bourgeois, passionnés d’Histoire de France, ont décidé à sa naissance en 1989, année du bicentenaire de la Révolution Française, de lui donner le patronyme d’une grande figure de l’époque: Barère de Vieuzac. Toute la famille y compris les ascendants on leur prénom commençant par la lettre « J ». Judith sa soeur, Joachim son frère, Joseph son père et Joannah sa mère. D’où Jean-Bertrand.

Ses parents et les miens sont comme cul et chemise depuis leur retour en France après 4 années passées en Chine. Lors d’un traditionnel repas familial Czerwony-Morin, Joseph lance le débat sur le conflit Israëlo-Palestinien. J’ai 14 ans, mes cours de catéchisme d’il y a 6 ans m’ont permis de situer Israël, au delà de ça, c’est « circulez il n’y a rien à voir », brouillard entre les deux oreilles. JB, agé de deux ans de plus que moi, regarde les mouches voler. Le débat n’en fini plus lorsque, soudainement, Joannah sort ce qu’elle a de plus agréable en elle: sa spontanéité, et lâche: « Tiens! Joseph, si nous faisions construire un jacuzzy à coté de la piscine? ». 

Le chef de famille, assis à ma gauche, lui reste stoïque et semble réfléchir. Puis il me bouscule le bras et me confie: « le jacuzzy, d’Emile Zola bien sûr! »

(Zola, zola… C’est pas une maladie de peau qui fait des boutons qui grattent ça?)

Comment décrire mon état de décomposition mentale lorsque que tout le monde se marre? JB a bien remarqué que je devenais blême même si mon cerveau mettait le couteau sous la gorge de mes zygomatiques pour qu’ils réagissent à cette blague HYPER DROLE et me chuchote l’explication. Et moi de dire fièrement, 12 min de coma humoristique plus tard, « Ah oui bien sûr, « J’accuse » d’Emile Zola » et de sortir le rire le plus forcé du monde, parce qu’évidemment, je n’ai aucune idée de quoi il s’agit.

Premier bide de la soirée, j’en ai l’appétit coupé et l’envie de partir faire des bulles avec mon nez dans la piscine et y jouer avec le crocodile gonflable géant. Regard crispé de maman qui me fait comprendre que je dois rester à table.

« Une autre! Une autre! » Allez c’est partit pour une deuxième blague, mais cette fois ci je vais tenter de jouer le jeu. Joseph commence: Savez-vous pourquoi, au Pays du Soleil levant…

(Soleil levant… C’est la Chine ou le Japon? Allez je dis la Chine, une chance sur deux)

… Les hommes qui décèdent ne se réincarnent pas en chevaux?

Silence dans la salle… « Eh bien parce qu’avant ils sont des japonais! » 

Spasmes, rictus, spasmes, rictus, Joseph est plié de rire manifestement. Moi je pars dans le fond du jardin et commence à creuser un trou.

Mais je n’étais pas au bout de mes peines! Vient ensuite l’heure du trou normand et des fameux « avec vous lu le dernier de… » « avez vous vu le dernier… » des femmes intellectuelles.

Papa, saoulé par l’alcool ET les discussions intellectuelles, s’affale sur la table et interpelle Joannah: « et toi dis moi, as-tu vu « Deep Throat »? »

LA HONTE.

SUPER.

MEGA.

ENORME.

Maman, choquée par l’attitude de mon père, est passée par toutes les couleurs, le blanc, le gris, le vert. Avant de me retrouver au fond du jardin pour creuser un deuxième trou dans lequel s’enfoncer jusqu’à ce qu’on se fasse oublier.

C’est seulement un an après que Jean Bertrand et moi nous sommes mis ensemble pour de vrai comme des grands! Mais ça c’est une autre histoire…!