La Chamade
L'Albeur et la pureté
Je vois ma période de lycée comme la naissance des clichés qui nous colleront à la peau ad vitam æternam. Comme une naissance tout court d’ailleurs, les caractères s’affirment, c’est l’heure des premiers émois, de la recherche de soi, de la confusion entre son « moi réel » et son « moi rêvé ».
Jusqu’ici rien d’exceptionnel, je pense qu’aucune génération d’adolescents n’est passée à coté des stéréotypes des groupes qui se forment : les bouseux, les populaires, les rouges, les bobos, les gentils, les méchants,… Bref c’est d’une façon très manichéenne que le Lycée Rabelais de Chinon a ancré des souvenirs mémorables dans mon esprit.
Je pense avoir fait partie des Populaires, mais un groupe m’intriguait, que nous appelleront les Avant-Gardistes pour ne pas citer de noms.
Six membres : quatre garçons, deux filles.
Parmi les garçons des Avant-Gardistes, dont l’un d'eux a fait un gros « BOOM » très éphémère dans mon cœur (lire « Le Pantin » ndlr), mais au fil du temps, et à bien les observer, un autre se démarquait nettement par la douceur de son visage, ses vêtements toujours à la pointe de la mode et sa voix haute et timide trahissant une légère angoisse.
Discret, ses jolies boucles blondes fraîchement coupées laissaient apparaître un regard doux et franc d’un bleu saphir. J’ai toujours été intriguée par cet être de chair aux allures d’ange tombé du ciel.
Lunaire. Rêveur.
Grand passionné de musique, j’ai souvent remarqué sa façon de calmer ses nerfs en sifflant, en claquant des doigts ou en tapant sur ses cuisses aux rythmes des beats du son qu’il avait dans la tête à l’instant T.
Un soir, nous nous retrouvons chez un ami en commun lors d’une « Vintage Party » où l’alcool coulait à flots à l’instar de la piscine dans laquelle nous avons tous ou presque fini tout habillés.
Une soirée. 12h. 10 minutes de souvenirs intenses.
Le premier, et pas des moindres, c’est lors d’un jeu d’enfants que nous tombons nez à nez à devoir s’échanger un baiser sur la bouche qui, si mes souvenirs sont bons, se transforment en deux baisers : l’un pour le jeu, l’autre pour le plaisir.
Le deuxième, qui n’a duré qu’une fraction de secondes comme le premier d’ailleurs, c’est lorsque nous étions tous étalés dans l’herbe devant la maison de l’hôte, à regarder les étoiles. On ne s’est rien dit, on a juste… Profité de l’instant. Et c’était beau bordel, C’ETAIT BEAU !
Enfin le dernier, c’est la nuit que nous avons passée l’un à coté de l’autre. Idem, il ne s’est rien produit. Le charmant garçon est respectueux en plus ! Je me souviens le regarder dormir d’un sommeil de plomb : Un Ange ? Non, mieux que ça : un Séraphin.
La vie a fait que nous ne sommes jamais allés plus loin, ce qui a rendu ces instants magiques, inoubliables, comme hors du temps, parfaits en somme.
Cette année, ça fera je pense une petite dizaine d’années que nous ne nous sommes pas revus. Mais je tiens tous les ans à envoyer une pensée à cet ami précieux qui a marqué ma jeunesse non pas au fer rouge, non, bien trop violent pour la douceur qu’il dégage. Je dirais plutôt que je suis marquée comme un coup de soleil qui ne s’en ira jamais, ma peau brûlée, immortalisée par sa superbe et son humilité.