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J'y pense et puis j'oublie

Le sacré de l'intime


Parler de ses sentiments, c’est risquer l’impudeur. Tant pis, j’y vais franco.


L’amour des autres, c’est louche. Tu veux me faire peur? Serre-moi dans tes bras. L'intense et les sensations fortes, c’est mon truc. Alors fais moi baliser, dis-moi que tu m’aimes!

Je fantasme le grand amour, genre ciné noir & blanc, mais dans la vraie vie, j'ai horreur des trucs mielleux, des phrases toutes faites et des regards trop pleins. Je rêve de pluie, de draps froissés et de vieux vinyles en boucle. Mais quand ça arrive, je me barre en courant. C'est pas du snobisme, c'est de la panique.


J’ai la fuite facile, je sais. C’est plus facile de serrer les dents que d’ouvrir son coeur. Jacasser, oui. Communiquer, connais pas. Trop d’élans fiévreux, j’ai beau avoir du vocabulaire, ils me font perdre mon latin. Et j’aime pas me sentir bête, déjà que ça arrive trop souvent sans que je le veuille. Quand je me livre, je me prends des claques. Celui qui tend l’autre joue relève du divin. Pas concernée, donc. Je garde tout, bien au chaud sécure dans mes tripes. Je raconte que ce que j'écris est du naturel sublimé, voire caricaturé. C'est pas toujours vrai. 


Je dis que mon idéal masculin est brun, grand, élancé et extraverti. J’ai aimé à vouloir mourir un châtain auburn, taille moyenne, silhouette robuste et taciturne. Bon dit comme ça c’est absurde, mais il y a un peu de constance quand même: les âmes d’artistes, les instruits, introvertis, ça, ça marque au fer rouge. (Je me justifie? Oui.)


Je suis faite de joli grunge, de “tout va bien, merci”. Mais dès que quelqu’un gratte un peu le vernis c’est le tsunami, un vrai bordel en dessous. Alors je fais disjoncter le compteur, histoire qu’on y voit plus grand chose. Parce qu’au fond, j’ai rarement eu peur d'aimer, j’y vais toujours à corps perdu d’ailleurs, mais j'ai peur qu’on m’aime. J’ai jamais trop su si j’étais vraiment amoureuse, très amie, ou dépendante. J’ai toujours rêvé du grand amour mais je fuis en permanence les démonstrations affectives. J’ai tellement peur d'être dépossédée de moi-même ou ce que je crois être moi. Au risque de souffrir, je préfère prévenir. Je cherche à comprendre, tout le temps, et j’évite de ressentir des émotions car trop souvent, c’est douloureux. J’ai peur qu’on me voit telle que je suis. Comme si j’étais un monstre hideux. 


Les contradictions, c’est ma danse favorite. Un tango endiablé rythmé par des "je te veux pour la vie mais trop, enfin ça dépend, parfois oui parfois non" sur le dancefloor raboteux des amours tumultueuses.


Je crois que j’ai pas envie qu’on me pique des morceaux de moi, déjà qu’il m’en reste pas des masses. La liaison exclusive solo, c’est peut être ça, le vrai coup de foudre : se regarder dans le miroir, se dire et se sentir "je t'aime plus que tout". 

Ecrire tout ça c’est déjà un début. C’est s’avouer deux-trois casseroles sur la batterie de cuisine. Depuis un an j’ai arrêté de choisir les autres pour commencer une relation avec moi-même, c’est finalement peut-être la relation la plus noble de toutes celles que j’ai osé imaginer. J’ai maintenant plaisir à nourrir la relation avec la seule personne avec qui je suis sûre de finir ma vie, celle avec qui j’ai signé pour le meilleur et pour le pire.